23 Novembre 2011
Comment caracteriser une ville ou on n'a finalement pas passe plus de 2 journees, un peu difficile de s'avancer, en tout cas, apres avoir profite et subi Tashkent pendant presque une semaine, on etait contents de prendre l'air et de decouvrir autre chose.
A peine sortis du train, une courte course en marshutka, et nous voila au coeur de la vieille ville de Boukhara, longtemps capitale de la region avec son celebre Emir de Boukhara, qui dura jusqu a l'arrivee des sovietiques dans la region. On trouve assez facilement notre bonheur pour le logement, une chambre douillette chauffee, avec une jolie cour interieure pour cette maison ancienne.
Et on se lance a la visite des rues, desertes ou presques, avec quelques parties d'anciens bazars couverts qui font aujourd'hui office de carrefour.
Puis la litanie des mederesas commence, avec tout d'abord celle d'Abdullah Aziz Khan, tres coloree,
dont la facade a ete restauree avec delicatesse. Ca sera le grande debat de ces villes historiques ouzbekes: apprecier la reconstruction totale de certains lieux, ou apprecier de voir encore les traces laissees par les siecles...
Dans la cour interieure, on voit les travaux de consolidation, mais il reste bien des parties non restaurees.
De l'autre cote de la rue, lui faisant face, la mederesa de Ulug Beg, neveu de Timur, qui fait dans la sobriete.
L'ensemble est elegant et serein, et on s'imagine au XV eme siecle allant a cette ecole lycee pour parler un peu de la litterature francaise.
C'est le matin, et on n'a pas vraiment dejeune, en chemin vers le celebre Kalon, Cindy s'approvisionne aupres d'une marchande de rue, un petit bout de gateau gros comme sa figure!
A sa construction au debut du XII eme siecle, ce minaret etait sans doute la plus haute construction d' Asie Centrale.
Ce monument recouvert de bandes de faiences bleues est le premier exemple de ce type de decoration dans la region. Carreaux bleus clairs qui deviendront la marque de fabrique de l'Asie Centrale.
La mosquee qu'il surveille peut accueillir 10 000 fideles et on a plaisir a admirer le dome central, avec cette couleur si singuliere, qui rappelle une belle mer mediterrannee que la region ne connait pas.
Juste en face, la mederesa Mir-I-Arab, superbe, mais encore en activite, la cour centrale est donc fermee aux visiteurs.
De retour dans la cour de la mosquee Kalon, desert, cet arbre solitaire en son centre fige l'ensemble en une image intemporelle, mais un peu sans vie, vu que le gris du ciel ne contribue pas a donner de la vie a cette mosquee.
On ne trouve pas toujours d'arbre ou de vie vegetale dans le coeur des cours des mosquees, profitons donc de celle ci.
Cette fascination pour les domes (lointain souvenir du foot?) se developpe pour Thomas a vitesse grand V.
Mais les murs avec leur ecriture arabe schematisee jusqu a ne devenir plus que des symboles geometriques en frises sont aussi admirables.
Pour l'interieur, on a souvent des mirhabs aux tuiles plus colorees, ou ressortent aussi les jaunes et les verts.
Poursuivant notre tour de la vieille ville, on arrive ensuite a la forteresse centrale, l'Ark, ressemblant a celle d'Alep en Syrie. On peut encore voir les poutres en bois constituant la structure des murs.
Cette citadelle ou vivait l'Emir est partiellement en ruine, bombardee par les sovietiques lors de leur prise de controle de la region. Elle est notamment celebre pour avoir ete le lieu de la mise a mort d'aventuriers britanniques, Stoddart et Conolly, au milieu du XIX eme siecle. Ils faisaient partis de ces officiers britanniques envoyes en mission diplomatique et geographique (reperer et cartographier des territoires inconnus pour les Europeens) qui participaient au Grand Jeu, cette lutte entre l' Empire Britannique et l' Empire Russe avec pour enjeu toute l'Asie centrale.
La mosquee Cuma (du vendredi), possede encore un magnifique mirhab,
de beaux plafonds peints et des colonnes fleuries d'etoiles.
En grimpant en haut d'un mur, on peut deviner le reste des ruines de la citadelle, et en fond, la vue sur la zone centrale de la vieille ville, autour de la mosquee Kalon. Mais pour y acceder, en plus du billet d'entree a 4500 Soums chacun, il faut redonner 3 ou 4 mille de plus par personne a un des policiers qui surveillent le site. C'est notre premiere rencontre avec cette maniere de visiter les lieux en Ouzbekistan. On s'etait deja un peu enerves avec la dame a l'entree car les touristes payent ici 5 fois plus que les Ouzbeks, on n'a donc meme pas essaye de negocier pour ce "panorama".
On continue notre tour vers l'ouest de la ville, en passant par la mosquee Bolo-Haouz,
dont les plafonds sont une nouvelles fois en bois et caissons decores de vert et de muqarnas.
Le but de ce tour, est d'atteindre le mausolee de Somoni, fondateur de la dynastie des Samanides, qui controla la region au X eme siecle. Il est un chef d'oeuvre (a l'epoque) avec sa construction en brique dont on varie la disposition pour creer un effet de decor. C'est une influence directe de l'espace irakien (ou la technique des briques vient de l'epoque des Zigurat Babyloniennes) qui devenait le centre du monde musulman, mais Somoni, pour les lecteurs assidus du blog, c'est le fondateur et le heros du Tadjikistan, dont on vous a montre plusieurs photos a Dushanbe.
On peut en profiter pour rappeler que ces villes de Bukhara et Samarcande ont toujours etaient des villes de cour royale ou la langue commune etait une version du persan, comme au Tadjikistan aujourd'hui, et non l'Ouzbek qui appartient aux langues turques, la langue du commerce et des paysans dans les villages. Ces deux villes et leur region sont encore reclamees par le Tadjikistan, et une grande partie de la population locale est tadjike. Cette separation hasardeuse est due a la politique sovietique de former des etats tout en cassant les unites des peuples, pour eviter de creer des entites trop soudees.
On a souvent vu ce phenomene dans la region , avec des Ouzbeks vivant au Kazakhstan, Kirghizstan ou Tadjikistan.
On est ici dans le cas inverse, et tout autant absurde, car la politique du president Ouzbeke (Islam Karimov) nationaliste et assez provocatrice, a complique les relations avec les voisins, il faut donc des visas pour que les gens puissent se deplacer entre ces pays.
Voici un des deux troncons du mur d'enceinte de la ville, encore en assez bon etat, meme si sa structure en brique sableuse le rend assez friable au toucher.
De la, notre regard est accroche au loin, par des domes qui sortent d'une zone ressemblant a un grand cimetiere. On va donc dans cette direction,
et on se rend compte qu'il y a surpopulation, puisque les tombes ont ete empilees les unes sur les autres... des morceaux depassent parfois...
En regardant dans le sens inverse, c'est le minaret Kalon qui ressort.
et on tombe sur une mosquee curieuse et tres recente, dont le dome a ete coupe en deux, avec de grandes vitres bleutees qui donnent une forme futuriste a l'ensemble,
le mirhab est encore une fois richement ornemente,
et de l'interieur, on a cette vue etrange de la lumiere arrivant par le toit de la mosquee,
Sur cette vue de cote, on comprend mieux le plan, et le demi cercle de la colonnade a l'entree de la mosquee repond avec gout au demi dome qu'on a coupe.
La zone centrale du cimetiere est ce mausolee, dont nous n'arriverons pas a connaitre le proprietaire, puisque le jeune fossoyeur du coin, qui nous guide entre les pierres tombales depuis le debut, ne baragouine qu'un ouzbek qu'on ne comprend pas trop.
Revenus dans le centre, on voit de l'exterieur le Zindon, prison de la ville ou croupirent Connoly et Stoddart avant d'etre decapites sur la place centrale, au pied de l'Ark. Mais elle est fermee,
comme est ferme le Char Minar, quatre minarets, ensemble amusant qui servait de porte d'entree a une mederesa qui aujourd'hui n'existe plus.
Bilan de cette journee, il fait gris, la ville de Boukhara est riche en vestige, mais la saison touristique est bien passee, beaucoup de choses sont fermees et on a un peu l'impression d'une ville morte.
On repart a la decouverte de la ville le lendemain matin, en commencant par l'une des deux synagogues de la ville, qui se trouve dans la rue de notre hotel. Le jeune homme qui nous la fait visiter assure qu'il y a 30 000 juifs en ville, ce qui nous semble un peu beaucoup, mais on constate que ce lieu est en tout cas bien en activite.
On decide ensuite d'aller visiter une maison particuliere, pour mieux nous rendre compte de la richesse interieure que cachent ces rues grises en mur de boue et paille. Voici la partie reservee aux femmes et aux membres de la famille de la maison de Faizoullas Khodjaiev. Celebre car il complota avec les bolcheviques contre l'emir Alim Khan de Boukhara dans les annees 20. Cela lui valut de devenir le premier president de l'ephemere Republique Populaire de Boukhara, avant qu'elle soit integree au plus vaste ensemble du Tukrestan sovietique.
L'interieur de la grande salle de reception est riche, rappelle un peu les palais iraniens, ou les niches en bois parfois rencontrees dans le centre de la Turquie dans les maisons ottomanes bourgeoises. Ici tout est decore et peint, et le travail du stuc, assez facile, permet cette variete de formes et de reliefs.
Pause repas dans un bar a biere du centre, on n'a rien trouve de mieux, car les restaurants sont tous fermes. On deguste avec plaisir un laghman kavurma (cette sorte de bolognaise, qui ne rappelle que de loin le delicieux kavurma turc quand on mange le sac kavurma), des manti et un och (autre nom du plov) bien carotte avec du chai chorny.
Notre tour dans le centre termine, il nous reste encore le temps de faire un saut a une 20 de kilometres, pour decouvrir le mausolee de Bakhautdin Naqshband. Seuls certains de nos lecteurs turcs reconnaitront peut-etre le fondateur de cette loge soufi si importante jusqu'a Istanbul, dont l'influence rayonne sur toute l'Asie Centrale.
Il repose sous cette dalle en pierre,
protege par un talisman accroche au bout du mat,
et tout le preau qui entoure la tombe est forme par des plafonds aux formes et aux couleurs a chaque fois differentes.
Les frontons aussi sont tres decores,
Autre element d'heresie (si on se place du point de vue d'un Wahabite convaincu ou d'un suiveur d'Aqmi), ce lieu ou repose le corps d'une personne sainte et charge de magie et de gris-gris. Ici, un arbre petrifie, dont il faut faire le tour 3 fois dans le sens oppose aux aiguilles d'une montre pour obtenir de la chance. La difficulte reside dans la branche un peu basse, mais meme les mamies se plient a cette exigence.
Retour en ville, sur la celebre place Liab-i-Haouz , entouree de muriers, qui doit etre un regal en plein ete. On se sent un peu seul en cette fin de novembre.
Sur un des cotes, le facetieux Nasretin Hodja, archi celebre dans toute la Turquie, avec ici des traits un peu plus centre asiatiques que sur les recueils de contes des bazars d'Istanbul.
Derriere lui, la mederesa Nadir Divanbegi, tresorier du sultan Abudl Aziz Khan, qui regnait au XVII eme siecle.
On reconnait au dessus de son portail d'entree les oiseaux mythiques du drapeau Ouzbek, ce soleil au visage rond importe d'Iran.
Il a ici un cote Phenix avec un chien (ou un cochon?) dans les pattes.
Derniere soiree a Bukhara, on la quitte demain pour Samarcande, on decide d'aller voir a quoi ressemble le centre ville. On reconnait le minaret Kalon, mais sinon, pas une lumiere pour glorifier ces monuments anciens:
Ca a ses plus et ses moins de voyager hors saison!