28 Mai 2012
Nous voici donc arrivés, enfin!, à Ulaanbatar. Le train dont nous descendons continue sa route, avec une partie des wagons en moins et comme vous pouvez le voir en trois langues, russe, chinois et mongol, finira son trajet à Moscou, dans quelques jours.
Comme souvent, l´excitation de l´inconnu dans lequel on va plonger la tête la première nous fait battre le cœur, et le magnifique soleil et son ciel bleu qui nous accueillent, après la grisaille quotidienne de Beijing et déjà un baume au cœur.
Ulaanbaatar, la ville des héros rouges, est bien une capitale soviétique, comme les premiers bâtiments que nous voyons nous le confirment. On retrouve une grande avenue de la Paix, dont Lénine surveille toujours la circulation… on n´avait plus croisé ces statues depuis l´Asie centrale.
Mais les bâtiments modernes en verre et acier sont aussi de la partie, ici le grand hôtel, qui donne sur la place centrale de la ville.
Sur cette place Sükhbaatar, on trouve bien sûr l´opéra, très ressemblant avec celui de Tashkent.
Mais surtout le parlement, moderne et massif, qui abrite sur sa façade le symbole le plus fameux du pays.
En haut d´une volée de marche et dans une large robe de guerrier au repos
C´est Gengis Kahn, fondateur de la légende mongole, avec son léger strabisme et ses yeux quasi clos. On peut comprendre qu´il soit célébré en héros dans ce pays si vaste et si peu peuplé, qui semble s´être endormi après avoir lancé ses vagues de conquérants aux XII ème et XIII ème siècles, mais pour nous qui arrivons d´Asie Centrale et de Chine, où ce même homme est plutôt vu comme un monstre sanguinaire, retrouver son large visage sur tous les billets de banque nous donne une bonne leçon de relativisme.
Et pour continuer dans l´histoire mouvementée de la région, nous passons faire un saut au musée local de la répression communiste, genre de musée que nous avions souvent visité dans les ex républiques soviétiques d´Asie centrale. Comme dans d´autres lieux, la révolution bolchévique vue dans un premier temps comme libératrice de la vieille aristocratie régnante, se mua en féroce répression lorsque Staline prit le pouvoir à la fin des années 20. Cette maison, où vécut le premier ministre communiste mongol, qui refusa d´appliquer les purges de Staline et le paya de sa vie, a été conservée, à deux pas de la place centrale, malgré les hôtels et autres bâtiments modernes qui continuent à pousser comme des champignons dans le quartier.
On y voit comment la propagande de l´époque, essayait de montrer au peuple que la révolution allait les libérer de l´aristocratie religieuse régnante, qui profitait des querelles pour avaler tout le monde.
A deux pas, un autre vestige du passé un peu oublié, le magnifique temple Choijin lama. Construit au tout début du XX ème par le frère du Bogd Khan, qui comme les dalaï lama tibétains, avait à la fois le pouvoir spirituel et politique, le temple survécut au communisme, car on en fit un musée montrant la tyrannie et l´injustice du système féodal.
On peut y admirer certaines des réalisations de Zanabazar, sans doute le religieux et artiste (sculpteur et peintre de Tankha, ces fresques religieuses et ésotériques) le plus fameux du pays, car c´est lui, descendant de Gengis Kahn, qui forma la version locale du bouddhisme mongol et créa au XVII ème siècle l´alphabet mongol.
On admire certains costumes utilisés lors des cérémonies importantes, ici pour la danse Tsam qui rappellent aussi des tenues vues au Népal.
Depuis l´entrée du temple, on peut voir le portrait de Chenggis Kahn, dessiné sur une colline à la limite sud de la ville.
Et notre pause de midi, on la fera chez Alan, notre hôte irlandais du CS qui travaillait dans une école internationale locale
et à une semaine de son départ, fête la fin de l´année avec quelques uns des enfants dont il s´occupait autour d´un barbecue.
Comme souvent avec le CS, on est très bien tombés et si Alan et son coloc Max, étaient bien occupés à fêter leur départ tout proche, on a pu profiter de leur grand appart pour préparer notre vadrouille en Mongolie.
On repart à la visite de la ville en optant pour l´autre côté de la rivière Tuul. A la sortie du bus, on tombe sur un quartier d´habitation aux belles mosaïques soviétiques, glorifiant usines et techniques dans un pays de bergers nomades…
Et on arrive enfin au palais d´été du Bogd Khan, construit au XIX ème, où vécut le dernier souverain de Mongolie. On retrouve le style typiquement chinois, matiné d´influence manchoue, de la porte d´entrée
Le temple principal est assez harmonieux et comme nous nous promenons seuls dans ces lieux, on se sent rapidement propulsés dans une autre époque, ruminant nos premières impressions sur cette Mongolie si étonnante où nous venons de pénétrer. Car si les grands espaces, les chevaux et les yourtes, que les Mongols appellent ger, sont les images d´Épinal du pays, nous ne savions pas grand-chose sur sa tradition bouddhiste tibétaine.
Et voici l´équivalent du palais de Versailles local, ou de la cité interdite que nous avons visitée
à Beijing pour rester dans la région. C´est le palais d´hiver où résidait le souverain, palais qui pour les normes mongoles des années 1900 devait être vu comme somptueux, puisque de deux étages, mais qui aujourd´hui ressemble tout juste à une maison bourgeoise d´un notable russe de province.
Cette nouvelle visite continue à former en nous l´impression que Ulaanbaatar est une ville minuscule, car si son avenue de la Paix est tous les jours très embouteillée, on peut presque couvrir toutes les distances à pied. Et c´est d´ailleurs ainsi que nous nous rendons au plus grand monastère de la ville, Gandan Khiid, où travaille aujourd´hui 600 moines et qui fut pendant la période communiste, la vitrine que les autorités utilisaient pour montrer aux visiteurs étrangers et cacher la réalité des destructions et des déportations subies par les religieux locaux. On est à l´extrême ouest du centre ville.
Les Mongols se disent encore aujourd´hui majoritairement bouddhiste, mais d´une forme bien teintée du chamanisme des steppes qui ne les quittera sans doute jamais. On voit aussi les tenues traditionnelles très largement portées, même si dans la capitale se sont surtout les personnes plus âgées.
Et les moulins à prière tournent toujours dans le même sens…
Pour cette visite, nous sommes en compagnie de Badamkhand, et de son amie Tergel. Elles étudient le français à l´alliance française et elle nous a contactés par le couchsurfing, où elle vient de s´inscrire.
Les conversations se poursuivent, entre l anglais, le français et le turc, car notre jeune amie, tout juste 20 ans, est déjà polyglotte confirmée. Elles souhaitent nous faire découvrir le coin où les jeunes vont admirer le coucher du soleil en ville, on repart vers le centre en papotant et on croise sur une place le monument aux Beatles, point de rencontre pour les jeunes, qui sont aujourd´hui plus techtonik que pop !
Un court trajet en bus plus loin, nous revoici au sud de la ville. On dépasse le palais d´hiver visité en début d´après-midi et on marche ensuite une dizaine de minutes, pour atteindre le parc où un tout nouveau Bouddha a été dressé il y a tout juste un an.
On peut voir sur la colline à gauche, l´objectif de notre balade, un monument commémorant les 50 de l´indépendance du pays et célébrant les soldats soviétiques morts lors des guerres et notamment la Guerre Patriotique, nom habituel utilisé en URSS pour désigner la seconde Guerre Mondiale.
Modernité oblige, notre pauvre ami Sakyamuni n´est pas entouré de fidèles ou de daims agenouillés, mais de deux fast foods, plus alimentés en coca et frites qu´en sutra canoniques…
Une nouvelle fois, cette coupe bleue indique clairement la filiation tibétaine de ce Bouddha.
Et lorsqu´on arrive à la base du monument commémoratif, on pourrait oublier que nous sommes en Mongolie, tant les soldats dévoués de l´armée rouge ne font pas couleur locale
Voilà la vue du haut du mémorial Zaisan, où l´on voit clairement que Ulaanbaatar n´est en fin de compte, qu´une étroite bande d´immeubles qui longe l´avenue de la paix,
même si la ville est tout de même allongée sur quelques kilomètres.
L´armée rouge triomphante met à bas les drapeaux et symboles nazis, réconfortant au passage les Petites têtes blondes des Allemands de l´est, qu´ils viennent aussi de sauver de l´impérialisme capitaliste…mais les couples ou les amies qui profitent de la vue, accrochés à leur portable, ne semblent pas trop concernés par la scène…
Les cosmonautes bodybuildés et leurs blondes compagnes semblent tirés d´un film de science fiction des années 70, et fraternisent avec les Mongols dont on reconnait les traits, les habits et les colombes de paix, signe qu´ils auront aussi la chance d´accéder au statut d´homo sovieticus.
Sur une autre partie de la mosaïque, on peut voir une belle mongole accueillant les soldats libérateurs, en leur offrant le bol de lait traditionnel base de l´alimentation mongole.
Et il est intéressant de remarquer au second plan, la mère mongole allaitant allégrement son bébé. Car depuis notre arrivée, nous avions été surpris par la facilité avec laquelle les mères allaitent en public, sans aucune forme de pudeur européenne. Trait culturel mongol suffisamment essentiel pour que les artistes soviétiques aient jugé bon de le représenter. Et un Brassens se serait réjoui d´entonner cinq fois par jour dans les rues de la ville « quand Margot… ».
Dernier jour à Ulaanbaatar, les formalités pour notre visa russe, faites les deux premiers jours semblent bien lancées (on a connu une petite déconvenue, car ayant acheté en ligne notre lettre d´invitation pour la Russie, le consulat nous a refusé le document car non original, nous conseillant fortement de passer par une agence de voyage local – le secrétaire du consulat avait même les cartes de visite à nous fournir !!- qui pour 60 dollars de plus que le prix du visa, nous a facilité le papier… agences locales qui travaillent toutes avec une seule et même agence à Irkutsk, en Russie, agence russe ayant bien entendu ses entrées au consulat d´Ulaanbaatar- CQFD), on va pouvoir bientôt partir découvrir le pays.
Mais avant cela, un petit salut à Marco Polo, qui fut secrétaire et ministre de Kubilai Khan, dernier successeur du grand Gengis, et qui déplaça la capitale à Beijing, fondant ainsi la dynastie Yuan.
C´est après tout un de nos lointains prédécesseurs sur les chemins de la route de la Soie.
On retrouve autour de deux beaux guvec de mouton et de bœuf nos copines montpelliéraines Marie et Charlotte,
rencontrées dans le train de Beijing à Ulaanbaatar. Elles sont aussi dans un long parcours et se dirigent dans un tour organisé de trois semaines à cheval en Mongolie.
Et c´est en compagnie d´Alan qu´on s´en va parcourir les rues du marché noir, pour trouver enfin une tente pour nos aventures rurales
On y trouve de larges stands consacrés aux chevaux, pour acheter cordes et harnais
Ou même selles en bois pour les plus intrépides
On trouvera notre hypothétique bonheur avec une petite tente chinoise et le soir même, après une folle course dans la voiture d´un automobiliste compréhensif, car notre bus pour la gare était complètement bloqué dans les bouchons d´une capitale qui ne compte que 1 million d´habitants, on se posera avec soulagement sur notre couchette du train de nuit pour le nord ouest du pays, contents de quitter les villes pour la campagne, mais aussi un peu dubitatifs face à ce que le sort va nous réserver, car le tourisme en Mongolie fonctionne presque exclusivement avec des tours, où pour deux touristes on peut avoir un van, un chauffeur un cuisinier et une guide…
Nous tenterons pour notre part un tour dans la campagne en transport locaux.